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nortasuna & askatasuna
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31 mars 2005

INTERVIEW DE NOAM CHOMSKY

Noam Chomsky , professeur à l’université du Massachusetts Institute of Technology, fondateur des sciences modernes de linguistique et militant politique, est un des moteurs de l’anti-impérialisme aux États-Unis. Le 21 mars, il a discuté une demi-heure avec V. K. Ramachandran sur la guerre contre l’Irak

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V. K. Ramachandran : Est-ce que l’agression contre l’Irak représente la continuation de la politique internationale des États-Unis de ces dernières années ou s’agit-il d’une nouvelle étape dans cette politique ?

Noam Chomsky : Il s’agit d’une étape tout à fait nouvelle. Il y a eu des précédents, mais la situation est néanmoins nouvelle. Cette guerre doit être perçue comme un test. L’Irak est perçue comme une cible très facile et sans défense. Ils présument, probablement à raison, que la société s’effondrera, que les soldats se rendront et que les États-Unis prendront le contrôle du pays et mettront en place un régime de leur choix et installeront des bases militaires.

Après ils passeront à des cas plus coriaces. La prochaine étape pourrait être la région des Andes, ou l’Iran, ou peut-être ailleurs. Ce test est destiné à tenter d’établir ce que les États-Unis appellent une “nouvelle norme” dans les relations internationales. La nouvelle norme est la “guerre préventive". Vous noterez que les nouvelles normes sont établies uniquement par les États-Unis. Ainsi, par exemple, lorsque l’Inde envahit l’est du Pakistan pour faire cesser des massacres, elle n’avait pas établi une nouvelle norme d’intervention humanitaire, parce que l’Inde était dans le mauvais camp et, de plus, les États-Unis étaient nettement opposés à l’action. Il ne s’agit pas d’une frappe préventive, la différence est primordiale.

Une frappe préventive a un sens. Par exemple, si des avions traversent l’Atlantique pour bombarder les États-Unis, les États-Unis peuvent les abattre avant même qu’une bombe ne soit lâchée et attaquer les bases d’où les avions ont décollé. La frappe préventive est la réponse à une attaque en cours ou imminente. La doctrine de guerre préventive est totalement différente et signifie que les États-Unis - et eux seuls - ont le droit d’attaquer tout pays qu’ils estiment être un concurrent potentiel. Alors si les États-Unis affirment, quelles que soient les raisons, que quelqu’un représente une menace, alors ils sont en droit de l’attaquer.

La doctrine d’une guerre préventive fut annoncée explicitement dans la National Security Strategy au mois de septembre (2002). Ce rapport a provoqué des remous dans le monde entier, y compris parmi la classe
politique des États-Unis, ici même où, il faut le dire, l’opposition à la guerre est inhabituellement forte. Le rapport disait que les États-Unis allaient gouverner le monde par la force, qui est le domaine - et le seul domaine - où ils dominent.

De plus, ils allaient le faire sur une durée indéterminée, parce que si une concurrence à la domination des États-Unis surgissait, les États-Unis la détruirait avant qu’elle ne représente une menace. L’Irak est le premier cas de l’application de cette doctrine. Si l’opération réussit, et on peut penser que ce sera le cas, parce que la cible est sans défense, alors les législateurs internationaux et les intellectuels Occidentaux parleront d’une nouvelle norme dans les affaires internationales. Il est important d’établir une telle norme si vous espérez gouverner le monde par la force dans un avenir proche. Il y a eu des précédents, mais très rares.

Je voudrais en mentionner un, juste pour montrer combien le chemin est étroit. En 1963, Dean Acheson, qui était un homme d’état très respecté et conseiller de l’Administration Kennedy, a donné un important discours devant la American Society of International Law, dans lequel il justifiait les attaques états-uniennes contre Cuba. L’attaque par l’administration Kennedy de Cuba était un acte à grande échelle de terrorisme international et de guerre économique. Le moment choisi est intéressant - juste après la crise des missiles, lorsque le monde était au bord d’une guerre nucléaire.

Dans son intervention, Acheson affirma qu’il n’était pas question de parler de “droit” lorsque les États-Unis répondaient à une remise en cause de leur “pouvoir, position ou prestige", ou quelque chose comme ça. Cela fait aussi partie de la doctrine Bush. Acheson était une figure importante, mais ce qu’il disait ne représentait pas la politique officielle du gouvernement dans la période de l’après-guerre. A présent il s’agit d’une politique officielle et nous assistons à sa première mise en application. Il s’agit de créer un précédent pour le futur.

De telles “normes” n’ont de valeur que lorsqu’une puissance occidentale agit, pas les autres. Cela fait partie de la culture occidentale, qui puise ses sources dans des siècles d’impérialisme et qui est si profond qu’il en devient inconscient. Je crois donc que cette guerre est une nouvelle étape importante, et c’est bien comme ça qu’ils la voient.

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