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15 février 2005

LOUIS ROSSEL : DU LEGALISME AU DESIR DE REVOLTE


Louis Rossel

Recherchée par Bismarck (1815-1898) pour réaliser l'unité allemande et déclarée par Napoléon III (1808-1873) une nouvelle fois mal inspiré en matière de politique extérieure, la guerre franco-allemande éclate le 19 juillet 1870, entraînant la chute du second Empire après les défaites d'Alsace, à Wissenbourg, de Lorraine, à Metz, et surtout de Sedan le 2 septembre 1870. 
Deux jours plus tard, Léon Gambetta (1838-1882) proclame la république puis quitte, embarquant à bord d'un ballon, la capitale assiégée par les Prussiens. Ministre de la Guerre du gouvernement provisoire installé à Tours, Gambetta organise la Défense nationale mais, en dépit de quelques succès militaires (1), ne peut empêcher les capitulations de Strasbourg, Metz (2) et Paris (28 janvier 1871). 
Dès lors, la défaite semble consommée. Aussi, quelques jours plus tard, l'opportuniste Adolphe Thiers (3) est nommé chef du pouvoir exécutif et, le 10 mai 1871, conclut le traité de Francfort qui officialise l'annexion de l'Alsace-Moselle à l'Allemagne.

Entre-temps, à Paris, se déroulent les évènements de la Commune. 
Appuyé sur les milieux ouvriers, le gouvernement insurrectionnel de la Commune s'installe dans la capitale après la levée du siège de la ville par les Prussiens. 
Nous sommes le 18 mars 1871. 
La Commune est renversée le 27 mai, après deux mois d'existence, à la suite d'un nouveau siège, mené cette fois-ci par les Versaillais, au cours duquel sont incendiés l'Hôtel de ville et les Tuileries tandis que de nombreux otages (dont Mgr Darboy, archevêque de Paris) sont exécutés par les insurgés. La répression menée par Thiers est féroce. De nombreux communards sont fusillés au Père-Lachaise ou déportés dans les colonies, condamnés à de très lourdes peines de travaux forcés.

C'est au sein de la Commune que s'illustre un de ses martyrs, le Cévenol Louis Rossel.
 

 Louis Rossel, polytechnicien et communard :

Si toute la France, ou du moins ses élites nanties et manipulées, considèrent comme un fait acquis, définitif, la suprématie des armes allemandes et l'effacement de la patrie devant l'occupant, il en est – à Paris, notamment, mais aussi en Pays d'Oc, à Grenoble et Marseille – qui ne l'entendent pas ainsi. 
Ainsi, le 19 mars 1871, alors que se lève le premier matin de la Commune, le polytechnicien et capitaine du génie auxiliaire Louis Rossel choisit de se rendre à Paris pour se mettre « à la disposition des forces gouvernementales qui peuvent y être constituées ». 
Ce brillant officier, originaire des Cévennes et protestant, rompt alors brutalement avec l'armée française que ses généraux, rivalisant de lâcheté, d'impuissance et de compromission, ont délibérément mené à l'abîme. Cet événement inouï et unique (4) est la traduction en acte du vœu profond d'un homme qui souhaite plus que tout continuer à se battre, refusant l'idée même de défaite et puisant sa propre foi en celle de « la patrie en armes ».

Jeune officier de vingt-sept ans, Louis Rossel est décrit comme « abrupt, soucieux de discipline, rigoureux dans ses choix ». Au sein même de la Commune, Louis Rossel se montre hostile à tout sentiment velléitaire, méprise jusqu'aux palabreurs qui discourent en pure perte tandis que les Versaillais fondent sur Paris. Alors qu'il est ministre de la Guerre, il finit même par démissionner, s'étant rendu « insupportable par ses légitimes exigences »
Toutefois, il gravit rapidement les échelons de la hiérarchie militaire, nommé successivement chef de légion, chef de l'état-major, président de la Cour martiale puis, le 30 avril, ministre de la Guerre. Tentant d'imposer ses ordres à des troupes indisciplinées, il doit « s'accommoder de l'indécision des politiques [et] se jette à corps perdu dans la résistance aux Versaillais ».

Arrêté durant la Semaine Sanglante, Louis Rossel est envoyé à Versailles. Interrogé par ses geôliers, il lui est signifié sa condamnation à mort. Adolphe Thiers intervient alors, lui promettant une grâce à condition qu'il accepte de s'exiler définitivement. Refusant tout net, Louis Rossel est fusillé à Satory (non loin de Versailles) en compagnie de plusieurs de ses camarades, le 28 novembre 1871.

Un sort accepté avec dignité, déclarer : « Mourir jeune, d'une mort rapide, d'une mort honorable, laisser un nom respecté et un courageux exemple ce n'est pas un sort à plaindre. Ma mort sera cent fois plus utile que ma vie ou qu'aurait été une longue carrière bien remplie. Je ne me plains pas ».

Il est enterré au cimetière protestant de Nîmes.
 

 L'appel de la dissidence :

Symbole intemporel pour tous ceux qui souhaitent « unir les luttes pour l'indépendance nationale et la justice sociale », jeune homme exigeant conscient dans l'épreuve que l'action prime sur le discours, Louis Rossel ne semble pas a priori prédisposé à la rébellion. Soldat exemplaire, ses espérances se portent vers l'établissement d'un gouvernement du peuple par le peuple assez éloigné d'une république oligarchique travestie en démocratie égalitaire. Légaliste, il sert l'Empereur Napoléon III sans état d'âme. 
Mais la guerre de 1870 va bouleverser le cours de son existence.

 Révolté par l'invasion armée de son pays, Louis Rossel, patriote exalté, semble « reprendre espoir à la nouvelle de l'insurrection du peuple de Paris et de la fuite du gouvernement de Thiers à Versailles ». Sa démission du ministère de la Guerre s'inscrit dans cette logique. Louis Rossel déclare : « Instruit qu'il y a deux partis en lutte dans le pays, je me range sans hésitation du côté de celui qui n'a pas signé la paix et qui ne compte pas dans ses rangs de généraux coupables de capitulations ».

Déserteur entré en dissidence, il se met donc au service de la Commune qui incarne la continuité de la résistance nationale contre l'occupant.

 A bien étudier cet être hors du commun, nous découvrons « plus qu'un personnage historique désincarné mais [bien] un homme dans toute sa complexité, avec ses qualités et ses défauts, ses rêves et ses doutes ». Ces motivations semblent résulter de la convergence d'un faisceau de raisons qui vont du patriotisme, bien sûr, à des causes plus intimes telle « sa révolte envers son milieu protestant qui a troqué l'héroïsme des camisards pour les biens matériels »
L'ambition a peut-être joué, aussi. Louis Rossel caressant le rêve d'accéder aux commandes d'un régime patriotique et social, par exemple, a pu accompagner ce noble et légitime sentiment de révolte face à la démission des puissants.
 

L'itinéraire de Louis Rossel interroge aussi « quant à la responsabilité des hommes lorsque la patrie est en danger et sur l'influence de la Commune dans les luttes révolutionnaires »
Ce parcours illustre parfaitement les mots prononcés, en 1812, par le patriote Carl von Clausewitz : « Je crois et je confesse : Qu'un peuple n'a rien de plus haut à respecter que la dignité et la liberté de son existence ; Qu'il doit défendre ces valeurs jusqu'à la dernière goutte de son sang ; Qu'il n'a pas de devoir plus sacré à remplir, qu'il n'a pas de loi plus haute à observer ».

Mais comme Ferdinand Foch le proclamera plusieurs décennies après la Commune, Louis Rossel, par sa révolte, nous rappelle cette évidence qui, aux détours des plus sombres moments de l'histoire de notre communauté, permit aux plus valeureux de nos frères de sauver l'essentiel. 
Un peuple n'est vaincu que lorsqu'il accepte de l'être.
 

(1) Succès militaires salués à la Bourse de Paris par de spectaculaires replis… preuve que les grandes fortunes françaises spéculent alors sur une défaite militaire des patriotes, au lieu de soutenir l'effort de résistance. Au contraire, chaque revers militaire au profit de l'agresseur occasionne une hausse des profits au palais Brongniart.

(2) Où le maréchal de France Achille Bazaine (1811-1888) capitule prématurément, ce qui lui vaut, en 1873, d'être condamné à mort pour trahison avant de voir sa peine commuée en détention à perpétuité. Evadé, il part se réfugier à Madrid où il meurt quinze ans plus tard.

(3) Né à Marseille en 1797, Adolphe Thiers est, dans les années 1830, le chantre d'une monarchie parlementaire à l'anglaise, puis républicain conservateur en 1848-1849, député sous le second Empire après son retour d'exil et enfin républicain forcené durant la Commune, qu'il écrase dans le sang, et les premières années de la IIIe République. Il décède en 1877.

(4) Louis Rossel est le seul officier français à avoir rallié la Commune de Paris en 1871.

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Commentaires
N
Simplement, j'aimerais faire quelques remarques sur ce qui est écrit ci-dessus sur Louis Nathaniel Rossel (son vrai non, Louis Rossel étant le nom de son père, officier de la légion d'honneur) :<br /> <br /> Tout d'abord,attention à ne pas transposer aujourd'hui la pensée de Rossel telle qu'elle était en 1871. <br /> <br /> Je tiens également à souligner le fait que Rossel n'était pas nationaliste, mais patriote, ce qui est tout à fait différent.<br /> (D'ailleurs, certes Rossel était attaché à son pays, mais il se sentait avant tout cévenol et sa mère était britannique)<br /> <br /> C'était un homme raisonnable mais combattif et audacieux.<br /> <br /> Ensuite, « sa révolte envers son milieu protestant qui a troqué l'héroïsme des camisards pour les biens matériels » est-elle vraiment exacte ?<br /> <br /> Je ne suis pas certain qu'il est dit une chose pareille, et si tel était le cas, alors, je ne crois pas que ce soit un sentiment profond de sa part. <br /> Rossel restait très attaché à sa famille qui descendait de Camisards et à sa culture protestante. <br /> <br /> Sinon, je crois être en accord dans le reste.<br /> <br /> Merci,<br /> <br /> Nicolas Cadène<br /> <br /> <br /> Pour plus d'info :<br /> <br /> http://louisrossel.blogspirit.com<br />
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