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nortasuna & askatasuna
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22 février 2005

LE PIEGE UKRAINIEN POUR LA VIEILLE EUROPE

Tout indique que l’Europe de l’Ouest a cru sur parole la théorie des Etats-Unis qui prétendent notamment que les présidentielles en Ukraine ont été falsifiées. Aussi, tant Washington lui-même que les capitales du Vieux Monde réclament-ils l’organisation d’un nouveau scrutin pour le second tour des présidentielles.

Quoi qu’il en soit, les organisations européennes reconnues s’en tiennent toujours à un tout autre avis. Ainsi, le “British Helsinki Human Rights Group", dont les observateurs ont effectivement été présents dans les bureaux de vote le jour du scrutin, est persuadé que ces élections étaient tout à fait justes.

Qui des Européens est au courant de cette conclusion du Groupe britannique d’Helsinki? Personne sans doute. Le flux d’information en Europe sur la thématique ukrainienne est aujourd’hui à tel point filtré en faveur de Viktor Youchtchenko que toute autre évaluation y est automatiquement rejetée comme un dangereux spam.

Hypnotisée par l’attitude des Etats-Unis, l’Europe ne tient pas du tout à accorder crédit à ses propres défenseurs impartiaux des droits de l’homme, mais prête plutôt l’oreille à ces mêmes observateurs de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui ont tout récemment encore admiré “le caractère démocratique idéal” des élections en Afghanistan et au Kosovo bien que la volonté des centaines de milliers d’Afghans et de Serbes du Kosovo n’ait pas été prise en considération.

De ce fait, très peu nombreux sont aujourd’hui ceux en Russie qui doutent que les critiques occidentales des élections en Ukraine s’inspirent de la politique de deux poids, deux mesures. Quoi qu’il en soit, l’élite politique moscovite n’est pas pressée d’accuser gratuitement “tout l’Occident” d’un nouvel accès de russophobie, loin de là! L’Occident n’est pas unanime, estime-t-on à Moscou. Ainsi, les politologues russes associent à l’Occident ami tous ceux qui ont vu et voient toujours le sens même de la “guerre froide” dans la lutte contre le communisme mondial, pour le triomphe de la démocratie. Ces forces sont des alliés incontestables de la Russie et ce, parce que nul autre pays au monde n’a sans doute souffert du communisme plus que la Russie elle-même, pays qui a fait en toute indépendance son propre choix en faveur de la démocratie.


Soyons cependant sincères et reconnaissons que, tant aux Etats-Unis qu’en Europe, ceux pour qui la “guerre froide” est une confrontation éternelle entre l’Occident et la Russie gardent encore de très puissantes positions. Du point de vue de ces forces, la menace russe est tout aussi permanente qu’inépuisable. Ces idéologues estiment notamment qu’après l’effondrement de l’Union Soviétique, la Russie est en train de se restaurer en tant que puissance autoritaire qui s’oppose à la civilisation occidentale.

D’où leur conclusion tout à fait catégorique: il faut absolument soustraire de l’influence de la Russie ces pays qui restent encore dans son orbite géopolitique. Autrement dit, il faut créer sur l’étendue post-soviétique une sorte de cordon sanitaire tout autour de la Russie. L’enjeu des forces néo-conservatrices de l’Occident est de poids, et plus précisément il s’agit de ne pas négliger de nouveaux territoires pour écouler des marchandises, pour déployer de nouvelles productions, pour étendre finalement un contrôle politique et militaire. L’une des dernières manouvres dans ce sens, est la tentative faite pour exploiter le mécontentement de la minorité des électeurs ukrainiens par le régime de l’actuel Président Leonid Koutchma pour arracher l’Ukraine à la Russie sous prétexte notamment de la prétendue “illégitimité” de la présidentielle en Ukraine.

Pour parvenir à cet objectif, des moyens ont été choisis depuis longtemps. Comme l’a montré l’expérience pratique, l’espace post-soviétique se prête bien à une déformation politique à l’aide des technologies d’anarchie de rue.

Il est certes inutile de persuader aujourd’hui qui que ce soit que l’actuelle explosion de l’opposition ukrainienne dans la rue est un projet bien préparé d’avance et financé depuis l’extérieur. En effet, le salaire des chefs de détachement d’étudiants, les per diem versés aux manifestants eux-mêmes, les cuisines de campagne à repas chauds, 1 200 tentes à 200 dollars chacune, d’immenses écrans à plasma, des vêtements et des chaussures d’hiver - ces derniers sont distribués gratuitement parmi les manifestants - tout cela est évalué à quelque 15 millions de dollars par le “Guardian” britannique. Si même le principal allié des Américains, la Grande-Bretagne, en a parlé dans ses journaux, cela signifie bel et bien que l’identité des organisateurs et des financiers est un secret de polichinelle. Et ce, d’autant plus que tout observateur des événements ukrainiens ne peut pas se débarrasser du sentiment de déjà vu, que ce soit en Yougoslavie, en Géorgie ou en Biélorussie. Dans tous les cas évoqués, un seul et même scénario de la prise du pouvoir a été utilisé. Tout porte même à croire que les populations sur toute l’étendue post-soviétique sont conditionnées à penser que les problèmes les plus sérieux - politiques, électoraux ou constitutionnels - peuvent être réglés au moyen d’une foule en effervescence.

Le premier essai réussi a été réalisé en 2000, en Yougoslavie, par toute une armée de techniciens de la politique, de conseillers et de diplomates américains, secondés par des partis politiques et organisations non gouvernementales (ONG) locaux et dirigé par Richard Miles, alors ambassadeur des Etats-Unis à Belgrade. L’année dernière, alors en poste à l’ambassade américaine de Tbilissi, Richard Miles a eu recours au même scénario, en conseillant Mikhaïl Saakachvili sur les moyens de renverser Edouard Chevardnadzé. Plus tard, l’ambassadeur des Etats-Unis à Minsk, Michael Kozak, vétéran de ce genre d’opérations en Amérique Centrale, a monté une campagne similaire pour balayer le régime d’Alexandre Loukachenko. Mais ce fut un fiasco car le Président de la Biélorussie ne se gêne pas trop quand il s’agit de l’opposition.

Tout comme dans les trois pays évoqués, ce sont les étudiants qui ont constitué l’essentielle force de frappe de l’opposition en Ukraine. Seuls les noms des organisations de jeunes y varient: en Yougoslavie, c’est le mouvement “Otpor", en Géorgie - “Kmara", en Biélorussie - “Zoubr” et en Ukraine - “Pora". Or, tous ces mouvements estudiantins ont en commun le fait qu’ils ont été créés avec l’argent de sponsors occidentaux. Qui plus est, les seuls et mêmes instructeurs ont appris aux jeunes des pays post-soviétiques à manipuler la foule, à prendre d’assaut des bâtiments, a ériger des barricades.

Par conséquent, ce ne sont pas du tout des manifestations du peuple, loin s’en faut. Le peuple n’est invité par les organisateurs de l’extérieur qu’au rôle de figurants dans des “révolutions mises en scène". La conclusion s’impose d’elle même: les techniciens de la politique occidentaux transforment tout simplement la désobéissance civile en méthode pour remporter la victoire aux élections à l’étranger.

C’est du moins ainsi que la situation se présente depuis la Russie. Toutefois, je me préoccupe aussi de ce piège qui est, de toute évidence, tendu en Ukraine à la Vieille Europe. Nul ne va sans doute contester que les Etats-Unis craignent manifestement que l’Union européenne n’échappe au contrôle américain. Rappelons cette époque récente où la France et l’Allemagne se sont en quelque sorte querellées avec les Etats-Unis à cause de l’Irak. Bien plus, de très graves divergences sont également manifestées entre Washington et Bruxelles sur la question de la formation d’une politique commune de défense de l’Union européenne. L’administration américaine craint que le statut même de l’Alliance de l’Atlantique Nord ne soit compromis, car l’OTAN est incontestablement le principal instrument de la politique américaine en Europe. Washington ne tient évidemment pas à perdre son contrôle sur l’espace européen et est, par conséquent, prêt à faire beaucoup pour que cela ne se produise pas.

Et allons maintenant examiner un scénario qui peut bien s’avérer moins hypothétique qu’il ne peut paraître à première vue. Et si, par exemple, l’idée maîtresse, réalisée par Washington dans la fumée de l’actuelle crise ukrainienne ne consiste pas uniquement à arracher l’Ukraine à la Russie, mais aussi à rattacher, par la suite, l’Ukraine, du moins sa partie occidentale, à la Pologne et, peut-être, aussi à la Lituanie et à faire ainsi renaître une nouvelle variante de la Rzecz Pospolita sur un territoire commun de quelque 90 millions d’habitants? Procédant ainsi, Washington pourrait, en effet, relever le statut de la Pologne, principal allié des Etats-Unis parmi les nouveaux membres l’Union européenne, rendre la Pologne aussi importante que la France et l’Allemagne, tout en empêchant ainsi Paris et Berlin de renforcer la politique extérieure commune de l’Union européenne. Et ce, d’autant plus que les ambitions de la Pologne au rôle de représentant spécial de l’Europe Centrale et Orientale transpercent d’ores et déjà dans le comportement de Varsovie. Cela s’est d’ailleurs manifesté avec éclat dans les très vives discussions autour des termes de l’élargissement de l’Union européenne et de la Constitution de l’UE où la Pologne est intervenue en principal trouble-fête.

En d’autres termes, tout indique que Washington partage nettement l’Union européenne en Vieille Europe et en Europe Nouvelle. Bien plus, il est même prêt à consacrer la Pologne comme leader de cette dernière. L’un des moyens pour parvenir à cet objectif consiste sans doute pour les Etats-Unis à donner à la Pologne l’Ukraine à titre de protectorat. Qui intervient donc en principal théoricien de la séparation de l’Ukraine de la Russie? Nul autre que Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller du Président des Etats-Unis pour la sécurité nationale. Et qui s’est chargé avec enthousiasme du rôle de principal organisateur du mouvement de jeunes Ukrainien “Pora"? Adrian Korotnicki, ami et élève de Zbigniew Brzezinski, qui dirige la célèbre structure officieuse américaine “Freedom-house". Les scénaristes des actuels événements en Ukraine appartiennent à la diaspora polonaise aux Etats-Unis.

Sur ce plan, le projet d’imposer Viktor Youchtchenko à l’Ukraine n’est en fait rien d’autre qu’un projet américaino-polonais et même un piège pur et simple pour la Vieille Europe elle-même. Par conséquent, ledit projet n’est pas dirigé seulement contre la Russie, mais aussi contre la France et l’Allemagne. Aidant à introniser Viktor Youchtchenko, les Français et les Allemands se préparent, sans s’en rendre compte, à de gros problèmes au sein même de l’Union européenne.

Source: RIA-Novosti
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