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nortasuna & askatasuna
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22 février 2005

ISRAEL, IRAK ET LES OLEODUCS

Au fil de l’épée – Bruxelles / Rome / Beyrouth - décembre 2004

Rachid KASHANA :
Israël et la bataille de Falloudjah

L’Etat hébreu veut un avenir sans voisins arabes trop autonomes

Les choses sont claires désormais: Israël a joué un rôle important dans le siège et la bataille de Falloudjah, même si les Américains ont tenté de dissimuler le rôle prépondérant de l’Etat hébreu dans cet événement de guerre. De vagues bribes de la vérité ont filtré, émanant généralement d’officiers, de soldats et même de rabbins militants, qui ont une double “citoyenneté”, et qui ont pris part à la bataille; certains d’entre eux ont été tués par la résistance irakienne. Ces bribes ne sont que la pointe émergée de l’iceberg.

Un officier israélien a été tué à Falloudjah. La mort de cet homme a démontré que de nombreux officiers, tireurs d’élite et paramilitaires israéliens participent aux batailles qui se déroulent en Irak. Si l’on lit attentivement la presse israélienne, on peut en déduire qu’Israël aligne en Irak au moins 1000 officiers et soldats répartis dans les unités américaines. Trente-sept rabbins de combat auraient ainsi été affectés dans les troupes américaines, ce qui permet d’énoncer l’hypothèse que le nombre réel d’Israéliens est encore plus nombreux. “Ha’aretz” a admis que d’autres Israéliens sont présents en Irak mais n’a pas révélé leur identité juive, ce qui fait d’eux des citoyens israéliens à part entière et non pas des Israélo-Américains. Pour le moment, tout porte à croire qu’une campagne de recrutement bat son plein, ce que corrobore l’escalade en Irak. Le but de ce nouveau recrutement est d’envoyer à l’armée américaine un soutien plus musclé encore.

Cette campagne de recrutement a encore été accentuée par l’appel du rabbin Irving Elson, qui, dans son dernier discours prononcé à New York, réclamait d’autres “rabbins combattants”, pour qu’ils s’engagent dans les forces américaines. Un autre rabbin a qualifié les rabbins combattants tués à Falloudjah de “martyrs”. L’armée américaine a effectivement besoin de l’expérience israélienne en matière de guerre anti-partisans dans les cités irakiennes, surtout si l’on songe que deux générations de soldats américains n’ont plus jamais affronté ce type de combat depuis la fin de la guerre du Vietnam.

Cependant, le rôle que jouent ces militaires et paramilitaires israéliens en Irak n’est pas simplement technique ni ne consiste en une mission supplétive. Ces Israéliens interviennent parce qu’ils veulent traduire dans les faits un plan israélien concocté bien avant le début de la guerre de Bush contre l’Irak. L’objectif de ce plan est d’éliminer tout rôle de prépondérance que pourrait jouer l’Irak dans la région arabe du Machrek, ce qui menacerait éventuellement l’avenir d’Israël. Plusieurs articles de la presse israélienne nous permettent d’esquisser les grandes lignes de ce plan. L’un d’eux, significatif, nous apprend que des agents du Mossad ont été envoyés en Irak pour ouvrir des bureaux et organiser des réseaux dans le nord et dans le sud, dont l’objectif serait d’éliminer des scientifiques et de favoriser la vente et l’achat de biens immobiliers et de terrains, surtout dans le nord, dans les régions d’Arbil, Kirkouk et Mossoul. Ces démarches correspondent à un plan déjà ancien, qu’il s’agit aujourd’hui de compléter, et qui a été élaboré au moins dix ans avant la chute de Bagdad, notamment dans la communauté juive de Turquie.

Israël encourage la classe dirigeante kurde à s’éloigner de Bagdad et à administrer leur région de manière autonome, mais, en même temps, veut aussi que les partis kurdes jouent un rôle plus important dans la politique générale de l’Irak du futur après-guerre, car les rapports entre Israël et cette ethnie indo-européenne du nord de l’Irak ont toujours été étroits et cordiaux. Plus concrètement, Israël cherche a réaliser le plan annoncé naguère par le ministre de l’infrastructure, Joseph Paritsky, un plan qui envisage d’implanter des oléoducs partant de l’Irak pour arriver en Israël en passant par la Jordanie. Un rapport des services de sécurité turcs, publié récemment dans le journal “Çumhuriyet”, confirme qu’Israël tente effectivement d’activer le plus rapidement possible l’oléoduc qui arrive à Haïfa. Tel est donc le plan : les Israéliens estiment que les forces américaines sont incapables d’imposer la sécurité et la stabilité en Irak. Ce constat a obligé les Israéliens a entretenir des rapports “autonomes” avec les pouvoirs locaux, surtout dans le nord kurde, afin de faire progresser leurs projets, prêts bien avant la chute de Saddam Hussein.

Cependant, les Israéliens cherchent à éviter toute confrontation avec les Turcs, préoccupés par les interventions israéliennes dans le nord. Dans la phase actuelle de la situation, Israël encourage les Juifs irakiens à se mettre en première ligne pour dialoguer avec le nouveau gouvernement et pour intensifier les initiatives commerciales avec l’Irak en passant par la Jordanie. Tel Aviv veut avoir voix au chapitre quand sera décidé le sort de l’Irak futur et a déjà fait entendre son point de vue de manière indirecte lors du sommet de Charm-El-Cheikh, qui a provoqué la colère des Syriens et des Turcs. Ce rôle de plus en plus important d’Israël en Irak, qui était inattendu, tend à accréditer la thèse qui veut que la guerre continue parce qu’Israël en est le principal bénéficiaire, tout comme il l’est de l’escalade entre les Etats-Unis et l’Iran pour les questions nucléaires. L’Irak n’est pas la Russie et l’Iran n’est pas la Chine : aucun de ces deux Etats ne représentent une menace pour les Etats-Unis, ni même pour l’Etat hébreu.

En conclusion, on peut dire que les “Likoudniks”, c’est-à-dire les militants du “Likoud” qui contrôlent bon nombre de postes de décisions en Amérique, utilisent la guerre de Bush contre le terrorisme comme une couverture pour réaliser les objectifs d’Israël en Irak [et plus précisément des objectifs du “Grand Israël” qui constitue l’idéologie nationaliste de base du Likoud, soit le “Grand Israël” de la Méditerranée à l’Euphrate”]. Le but de la bataille de Falloudjah est de briser l’épine dorsale de la résistance irakienne et d’ouvrir la voie à la réalisation du plan sioniste/likoudnik pour le Proche-Orient [ndlr : un plan qui prévoit l’acheminement du pétrole du Kurdistan irakien vers les ports israéliens et non pas vers les ports syriens et turcs ou vers les ports du Golfe Persique; les ports israéliens fourniraient alors le brut aux pays européens, qui ne passerait pas à travers le territoire turc. Israël parie aussi sur l’hostilité des Kurdes à l’égard de la Turquie pour faire accepter le principe d’un transit du brut via des oléoducs qui aboutissent en Israël].

Rachid KASHANA.
(article paru dans “Al Hayat”, Beyrouth, 22 novembre 2004; traduction italienne dans “Rinascita”, Rome, 5 décembre 2004).
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